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Comment trouver... - Vendredi 24 Février 2023

Identifier un expert : bonnes pratiques

Avoir recours à l’éclairage d’un expert en lien avec son sujet de recherche ou son projet est une démarche pertinente et nécessaire. Elle vous permet de bénéficier d’une analyse critique voire de conseils concernant votre approche ou vos préconisations.  

Cette démarche reste néanmoins complexe au regard de la dilution de cette notion dans la sphère médiatique et sociale: pas une émission, pas un débat sans interventions « d’experts », les plateformes sociales telles LinkedIn s’en font également l’écho.

Pour celles et ceux qui souhaitent solliciter un expert, l’enjeu désormais n’est pas de faire face à la rareté des profils mais plutôt d’avoir les outils pour identifier le bon et ainsi séparer le bon grain de l’ivraie.

 

Qu’est-ce qu’un expert ?

Une notion pluridisciplinaire / définition par la pratique

Identifier un expert, c’est déjà être en capacité de définir ce qu’est l’expertise. Cette notion revêt une dimension pluridisciplinaire, elle s’applique à différents champs de connaissances. Dès lors, selon que vous êtes juriste, sociologue, ou spécialiste du droit administratif, vous n’en aurez pas (exactement) la même définition. 

Il existe néanmoins un consensus :

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  • au sens étymologique, l’expertus, c’est celui qui a essayé, éprouvé, reconnu.
  • en pratique :
    • Un expert, c’est celui qui est reconnu comme tel par ses pairs
    • Un expert, c’est celui qui a la connaissance et l’expérience
    • Un expert sait communiquer et rendre disponible son savoir (voir ses contributions) 

 

Dimension cognitive et sociale de l’expert

L’expert est le produit combiné d’une compétence et d’une légitimité.  

Sur le terrain de la compétence, il est à l’intersection du « spécialiste » (qui possède la compétence métier ou technique) et du « savant » (qui possède la compétence théorique ou académique). Quant à sa légitimité, celle-ci est double, à savoir :   

  • la légitimité formelle (des titres, diplômes et reconnaissance institutionnelle qui sont autant de signaux forts). On parle ici d’expert désigné.
  • la légitimité informelle (réputation, crédibilité, identité établie dans sa communauté de référence qui s’apparentent davantage à des critères subjectifs et des signaux faibles). Il s’agit ici d’expert émergent.
 

Evaluer/Qualifier un expert

Interroger les critères qui authentifient la qualité d’expertise.

C’est à partir de cette double lecture compétence/légitimité que l’on peut construire un questionnement visant à évaluer la qualité de l’expertise annoncée ; à savoir : « Qu’est-ce qui caractérise l’expertise de la personne que je sollicite ? » :

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  • s’agit-il de son cursus et des connaissances acquises à l’occasion ?
  • s’agit-il de son expérience en lien avec son parcours professionnel et ses expériences passées ?
  • est-ce via la reconnaissance par ses pairs ?
  • est-ce la reconnaissance par une communauté de pratique ?

Ces interrogations constituent la première bonne pratique à mettre en œuvre pour sonder la qualité de votre interlocuteur. C’est une étape certes nécessaire, mais pas suffisante.

 

La figure de l’expert d’estime : points de vigilance

Le principe de recourir à l’éclairage d’un expert - qu’il soit désigné ou émergent - sur une situation ou un sujet donné se justifie. Il y a néanmoins des points de vigilance à apporter afin d’aiguiser votre sens critique au sujet de cette “figure”. Cette prise de recul est d’autant plus nécessaire au regard de la place médiatique croissante qu’elle occupe et qui peut aboutir à des collusions et/ou amalgames (un chroniqueur ou un éditorialiste ne peut être qualifié d’expert).

En pratique, vous devez porter une attention particulière à la posture et aux positions de la personne que vous sollicitez :  

exclam.png une conviction n’est pas une expertise : l’assurance et l’aplomb avec lesquels l’expert s’exprime ne sont pas garants de la qualité de l’analyse. L’expert se caractérise par une prise de recul, et l’acceptation du doute dans son discours.
on ne s’auto-proclame pas expert : A l’heure du « personal branding » favorisé par les réseaux sociaux, il faut rester vigilant sur les effets d’annonce et le CV des dits experts. Dans le même ordre d’idée certains s’approprient (reprennent à bon compte) la théorie (contestée) des 10 000 heures qui correspondrait selon K Anders Ericsson au nombre d’heures nécessaire pour exceller dans un domaine (voir l’ouvrage de Malcolm Gladwell « Outliers, the story of success »)
l'expertise s’attache généralement à un domaine spécifique : un individu identifié ou annoncé comme expert s’attèle à un domaine de prédilection, méfiez-vous des “hyper ou polyexperts”. Le jeu médiatique peut amener certaines personnes à s’exprimer sur un terrain qui n’est pas le leur.
l’expertise ne garantit pas l’exactitude des propos : elle nécessite une validation par les pairs. On peut prendre l’exemple ici de positions de certains microbiologistes et infectiologues durant la crise du Covid. Faire autorité n’est pas suffisant, vous devez confronter et vérifier les propos exprimés.
les intentions de l’expert doivent être clairement identifiables : il est préférable que l’expert ne soit pas « directement partie prenante du contexte de sollicitation ». Une analyse sera d’autant plus biaisée si l’expert est impliqué. Prenez du recul vis à vis de postures militantes ou lobbyistes (soyez en capacité de distinguer faits et opinions).
réactivité n’est pas forcément gage de qualité : soyez vigilants face aux individus annoncés experts prompts à réagir à une actualité, une situation.​
 

Dépasser l'expertise médiatique

Les pratiques d’information et de communication actuelles sont en effet marquées par l’hégémonie des réseaux sociaux et des moteurs de recherche qui favorisent la figure de l’expert médiatique, distinguée presque uniquement par le critère d’audience : nombre de vues, de like, de partage, etc. 
L’accélération des processus de production des médias, y compris dans le cadre de journaux ou télévision bien installés dans le paysage médiatique amplifie ce phénomène. Pour obtenir une diffusion large d’un média, il est tentant d’y donner encore plus d’audience à quelques personnalités qui en ont déjà par ailleurs. Il est donc utile lors d’une recherche d’experts de pouvoir effectuer quelques vérifications, et d’emprunter des voies de communication et d’information moins hégémoniques pour pouvoir s’appuyer sur une expertise nuancée.
 

 

Le profil du demandeur dans l’évaluation de l’expertise

Le profil du demandeur d’expertise entre également dans l’équation. Son degré de connaissance du sujet influe forcément sur le choix et la qualité de l’expert. On parle ici de « distance cognitive », c’est-à-dire la capacité ou non d’évaluer la méthode d’analyse de l’expert et la pertinence de ses résultats. Le demandeur peut disposer de certains savoirs, il n’a pas l’expérience nécessaire pour mettre en pratique des savoir-faire et des savoir-être sur le sujet qui l’importe. L’ensemble de ce différentiel, cette distance impacte alors le degré de confiance entre les deux parties. Dans le même ordre d’idée, c’est la distance cognitive qui amène le demandeur à convoquer des signaux faibles (la réputation) ou des signaux forts (la reconnaissance institutionnelle) dans le choix de l’expert.

 

Etude de cas : identification d’un expert des marchés financiers

L’article de Stéphane Cellier-Courtil est une illustration parfaite des bonnes pratiques à mettre en œuvre dans le processus d’identification de l’expert. Ici L’auteur témoigne de sa démarche appliquée au champ de la finance, un secteur qui peut paraître opaque pour les non initiés, d’où l’importance d’adopter une approche méthodologique balisée.

La difficulté réside dans la capacité de mobiliser le bon interlocuteur en fonction de son besoin et du contexte.

 
On verra dans un prochain Zoom comment appliquer ces bonnes pratiques à la recherche d'un type d'expert particulier : les experts académiques.
 
Pour en savoir plus : 
 
 

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